“Comment faire pour qu’ils lisent ?” Focus sur un dispositif innovant : La Fabulathèque de Colmar
L’équipe du LéA Pratiques Engageantes en Lecture et Médiations au Livre (PELMEL) présente leur travaux dans leur lieu d’éducation : la Fabulathèque de Colmar (INSPE de l’académie de Strasbourg).
Article rédigé par Nathalie BERTRAND, pour les membres du LéA PELMEL
Des livres pour enfants posés sur des étagères de couleur, un bac à livres en forme de gorille, un énorme fauteuil sorti tout droit d’un album de littérature jeunesse, de petits sièges orange vif disposés ici et là : la Bibliothèque Universitaire de l’INSPE de l’académie de Strasbourg située sur le site de Colmar ne ressemble à aucune de ses homologues en France !
Et pour cause : depuis septembre 2020, les étudiants du master Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation 1er degré y explorent des pratiques revisitées et enrichies de médiations aux livres et aux textes. Accompagnés par leurs formateurs, ils renforcent leur acculturation aux écrits et explorent des pratiques de lecture diversifiées grâce aux échanges avec bibliothécaires, membres d’associations de promotion de la lecture, éditeurs, ou encore via la participation à des festivals du livre, à des concours de lecture ou d’écriture, etc.
Plus étonnant : ils préparent puis animent des rencontres avec des élèves de la maternelle au cycle 3, qui viennent avec leurs enseignants vivre hors la classe mais sur temps scolaire des expériences autour des livres et de la lecture telles que par exemple la mise en sons d’albums, la participation à des ateliers autour des genres graphiques, la constitution de brigades d’intervention poétique ou encore la préparation d’accueil d’auteurs et d’illustrateurs de littérature de jeunesse. Autant de manières de favoriser un enseignement-apprentissage de la lecture personnelle et autonome (tant pour les étudiants que pour les élèves), dans un espace nouveau associant enseignement, formation et recherche.
Une Fabulathèque ? Quésaco ?
Ce nouvel espace, mais aussi les pratiques renouvelées qui s’y déploient ainsi que les médiations qui les nourrissent, forment la Fabulathèque[1], un dispositif innovant dont le nom pourrait se traduire par « lieu où l’on parle d’un ensemble d’objets d’intérêt culturel »[2].
Initié de façon empirique par une formatrice en lettres de l’INSPE de Colmar avec l’appui de la collègue responsable de la bibliothèque[3], ce dispositif a nécessité la transformation du rez-de-chaussée de la bibliothèque universitaire pour héberger un espace modulable aménagé spécifiquement pour l’accueil d’enfants de 3 à 11 ans. Pas forcément simple à mettre en œuvre, ni évident à appréhender pour le personnel du service commun de documentation de l’université !
A ce jour, plus de cinquante classes ont déjà été accueillies par autant de groupes d’étudiants du master ou par des stagiaires en formation initiale au métier d’enseignant du premier degré. Tous profitent des ressources multiples mises à leur disposition, dans un fonds en perpétuel renouvèlement : à côté des habituels ouvrages destinés à la jeunesse, on trouve entre autres kamishibais, oralbums, tapis à raconter, albums tout en images et objets livres aux formes et aux formats variés. On manipule même des ouvrages peu courants tels que les livres dépliants de W. Lavater[4] ou encore les Prélivres de B. Munari[5].
Objectif : permettre une approche moins scolaire, plus sensible et multimodale de la lecture, enrichie par les expériences de chacun, petits et grands, afin de favoriser la construction d’un sujet-lecteur[6] autonome et investi.
Un laboratoire d’expérimentation et de développement de pratiques pédagogiques enrichies
Associant enseignement, formation et recherche, la Fabulathèque permet de développer des gestes professionnels acculturants[7] et d’engager les étudiants du master MEEF 1er degré (et par conséquent, c’est notre postulat, les élèves dont ils auront la charge) dans des pratiques littéraciques[8] assurées et authentiques.
Au cœur des problématiques de notre LéA, la Fabulathèque traverse ainsi le questionnement des trois axes d’étude retenus. Elle représente pour le premier l’un des lieux d’expérimentation des pratiques engageantes en littéracie qui seront interrogées via un questionnaire avec des élèves du cycle 3. Le deuxième axe de l’étude porte sur les espaces de lecture dans et hors la classe et sur les médiations aux livres. La Fabulathèque constitue dans ce cadre-là un espace didactisé qui permettrait tant pour les étudiants que pour les élèves et leurs enseignants d’aborder les pratiques et les objets de la lecture d’une autre manière, enrichie par les diverses médiations proposées. Le dernier axe enfin s’intéresse au développement professionnel en formation initiale et continue des enseignants engagés dans des dispositifs interprofessionnels tels que la Fabulathèque.
Ce dispositif essaimera bientôt : au sein de notre LéA, une nouvelle version de la Fabulathèque se projette dans la ville de Pont-de-Claix, près de Grenoble. A suivre dans un prochain billet…
Ateliers menés par des étudiantes avec des élèves dans deux espaces de la Fabulathèque colmarienne.
[1] Bertrand, N. ( dir. Garnier, B. & Balmon, T.) (2023). « Développer en formation initiale de nouvelles pratiques d’enseignement du lire-écrire à l’école élémentaire française faisant intervenir les médiateurs du livre. » in Espaces culturels de formation. Nouveaux rapports aux savoirs. Coll. Innovation en sciences de l’éducation. Ed. ISTE, 155-167.
[2] A partir des articles « fable » et « faire » à l’origine des deux racines latine et grecque in Picoche, J. (2008). Dictionnaire étymologique du français. Le Robert.
[3] Nathalie Bertrand, formatrice Lettres et Nathalie Frayon, bibliothécaire. Université de Strasbourg.
[4] Voir sur le site Babelio par ex : https://www.babelio.com/auteur/Warja-Lavater/210464
[5] https://lestroisourses.com/librairie/81-prelibri-prelivres-prebooks
[6] Frier, C. (2016). Sur le chemin des textes. Presses universitaires du Midi.
[7] Rapport de recherche Lire-écrire au CP, sous la direction de R. Goigoux. 2015, pp.365-369. Consultable sur le site de l’ifé : http://ife.ens-lyon.fr/ife/recherche/lire-ecrire
[8] Françoise Boch, Catherine Frier et Fanny Rinck (dir.), Littéracie et démarches pédagogiques engageantes. Le français aujourd’hui, no 212, 2021, 144 p.
Lien vers leur page sur le site des LéA-IFÉ
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
avadcar (24 juin 2024). “Comment faire pour qu’ils lisent ?” Focus sur un dispositif innovant : La Fabulathèque de Colmar. LE BLOG DU RÉSEAU DES LéA-IFÉ. Consulté le 15 septembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/11vmu
