Intégrer de nouveaux enseignants dans un LéA quand on travaille sur la question du genre et de l’éducation à la sexualité : exemples d’obstacles et pistes d’action

Le LéA Questions socialement vives (QSV+) a débuté en 2023-2024. Il s’appuie sur les travaux d’un précédent LéA (QSV – collège Louis Aragon – Mably, Lyon) actif de 2020 à 2023 et s’intéresse à la façon dont des ressources produites dans ce premier LéA peuvent être prises en main dans un autre contexte, sur une autre QSV, par des enseignants d’un autre niveau. 

Objectif : transfert à une nouvelle équipe de méthodes pour la classe produites lors d’un premier LéA

Point de départ : les conclusions que l’on veut transmettre

Lors d’un premier triennal nous avons pu mettre au point des séquences intégrés dans les progressions de plusieurs matières grâce à l’apport de la didactique des Questions Socialement Vives (QSV). En plus des savoirs et compétences disciplinaires, nous avons travaillé des compétences communes autour de l’esprit critique, l’éducation aux médias, au débat, à la prise de décision collective.

Cela a été possible grâce à un objet commun non consensuel (la vaccination) et une démarche de co-construction des séquences et de co-formation aux questions autour de la validation.

In fine nous avons posé quelques jalons permettant d’améliorer les compétences des élèves dans la prise en charge collective de questions débattues, parfois pernicieuses ce qui est un enjeu majeur de société.

Deux grands axes que nous avons expérimentés sont la progressivité dans la compétence argumentative (la forme), et la prise en compte de la pensée d’autrui (le fond).

Nous avons également identifié que les élèves de 4ième approchaient un niveau élevé de réflexion lorsque la forme avait été travaillée avant le fond et lorsque les élèves étaient appelés à se positionner personnellement, à peser clairement les différents arguments en les reliant à leurs valeurs, et à exprimer leurs doutes (sans jouer un rôle ou sans défendre une position tranchée).

Du point de vue de la posture enseignante, nous avons constaté que le statut de détenteur de savoir est inhibiteur du raisonnement de l’élève. Pour aborder ces questions il faut donc un changement explicite de contrat didactique entre élève et enseignant :
1- il n’y a pas de réponse attendue : ni définitive, ni “bonne”, mais il faudra s’informer et se positionner en se justifiant.
2- l’élève va devoir identifier par lui-même les savoirs dont il a besoin
3- les savoirs ne seront pas systématiquement apportés par l’enseignant, mais par des supports variés dont il conviendra parfois de vérifier la fiabilité.

La mise en place d’une nouvelle équipe

Le recrutement de nouveaux collègues dans un nouvel établissement est passé par la proposition de travailler sur une question vive d’actualité en lien avec le genre ou l’éducation à la sexualité.

Le recrutement s’est heurté :

1- à la disponibilité des professeurs

2- aux liens possibles du sujet avec les différentes matières enseignées dans les établissements

3- à l‘éthique personnelle de chaque enseignant, par exemple en voulant préserver les élèves des questions vives dans le cadre scolaire, ou en ne voulant pas aborder une thématique qui pouvait retourner de la sphère familial.

4- la peur de la vivacité de la thématique (réaction d’élèves, de familles…)

Notre solution à été de s’adosser à un parcours d’éducation à la sexualité en construction dans l’établissement et à la promesse d’un support co-élaboré dans une recherche collaborative.

Ainsi nous avons pu recruter trois enseignants en lycée de SVT/enseignement scientifique, SES, et HG-EMC.

La mise en place du transfert : mise en route du travail collaboratif

Dans un premier temps nous avons sollicité les trois collègues en leur demandant de réfléchir chacun aux envies de séances qu’ils pouvaient déjà avoir (ou non), ainsi qu’aux entrées possibles dans leur programmes pour notre thématique.

Nous avons dans un second temps organisé une rencontre pour discuter ensemble de ce que chacun pouvait avoir comme support (connaissances, séquences, documents…), et de comment nous pouvions nous en saisir.

Cela a permis de discuter de l’origine des inégalités sexuelles et de comment chacun pouvait les envisagées : socialement, biologiquement, moralement, économiquement…

Nous avons troisièmement donné à voir des exemples de scénarios pédagogiques du précédent léa (vaccination) et les quelques outils pour faire travailler les compétences argumentative et d’esprit critique aux élèves.

Nous sommes parvenus à trouver ainsi une première QSV question socialement vive qui faisait une synthèse des différentes idées et propos : “Les différences sexuelles sont-elles à l’origine des inégalités ?”.

La difficulté à garder un cadre consensuel :

Les enseignants et les chercheurs, chacun de leur côté, se sont ensuite réunis à plusieurs reprises pour organiser : leur pensée, partager leurs recherches de documents, et la chronologie des séquences, mais aussi déjà commencer à réfléchir aux questions de recherches et à s’informer sur les fondements didactiques et scientifiques de cette QSV

Nous nous sommes de nouveau réunis pour affiner l’organisation, nous avons alors rencontré la difficulté de borner le sujet et de ne pas induire les élèves sur des pistes trop glissantes.

Il a fallu près de trois heures pour en venir à trouver la bonne définition de la QSV permettant à la fois de borner le sujet explicitement pour les élèves et les enseignants tout en restant exact scientifiquement. Nous avons donc beaucoup échangé sur le fond : qu’est-ce que le sexe, comment en donner une définition adaptée aux élèves pour que ceux-ci puissent accéder aux différentes composantes de la question (sociologique, biologique, psychologique, économique…) sans les mélanger.

Nous nous sommes heurtés au principe de réalité de l’enseignement qui est qu’un élève ne reçoit pas l’information (qu’elle qu’en ait été le sens vrai) sans la transformer par le prisme de son vécu, de son éducation… Il faut par-dessus tout maintenir le lien affectif de confiance qui existe entre lui et l’école, l’élève doit se sentir compris, reconnu comme il se définit lui.

Et nous nous sommes heurtés au principe de réalité de la recherche : qu’on ne peut pas s’accommoder d’approximation si on veut adresser des questions précises et être audible dans sa communauté, les savoirs enseignés doivent être exactes même s’ils peuvent être difficiles à enseigner ou à recevoir.

Il a donc fallut que chaque acteur, enseignant et chercheur, fasse des concessions pour permettre de fixer un terrain d’entente sur la forme adéquat pour enseigner des savoirs controversés et aux termes polysémiques.

Nous avons aboutis à une questions légèrement différente mais l’essentiel est que nous avons clarifié le fond :

“Les différences sexuelles liées à la “reproduction” (de la fécondation à l’âge scolaire) sont-elles à l’origine des inégalités entre sexes dans la société ?”

 

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