LéA Henri Parriat : DECLAM s’agrandit ! – Une année programmatique

Pour la troisième année de fonctionnement de notre LéA, le LéA Lycée H. Parriat – Montceau-les-Mines, nous avons choisi de poursuivre notre travail commun (enseignants, élèves, parents, chercheurs…) sur le niveau de première mais aussi de préparer une nouvelle phase d’essaimage auprès de la communauté éducative. Nous devenons un dispositif apprenant tout en élargissant notre public.

Rappel : DECLAM est un dispositif qui place l’oral et les échanges au centre de nos pratiques d’enseignement : toutes les formes de l’oral sont abordées (présentations en groupe, oral individuel – normé ou libre – entre élèves et adultes etc.) la classe de seconde et celle de première ont deux heures à leur emploi du temps consacrées à des séquences (plusieurs séances) de réflexion sur des thèmes interdisciplinaires. En début et en fin de séquence l’oral est mobilisé en particulier au travers des cercles d’étude qui sont désormais un outil du dispositif que nous maîtrisons et utilisons.

Prolonger l’expérience en classe de première est-ce essaimer ?

Faire entrer de nouvelles pratiques de classe dans la communauté enseignante qui impliqueraient plusieurs disciplines (co-enseignement) n’a jamais été chose simple. Cette problématique se rencontre dans toutes les formations de formateurs, dans tous les thèmes de réflexion proposés aux porteurs de projet. Nous le vivons également au quotidien dans notre enseignement. Pour contourner cette difficulté nous avons fait le choix, avec la direction de l’établissement, de poursuivre notre expérience en première. Il y avait également une forte demande de la part des parents qui, forts de l’expérience vécue avec nous, souhaitaient une poursuite en classe supérieure. L’enjeu était de faire coexister le dispositif et la préparation aux épreuves de français.

La structure : Un noyau d’élèves de la seconde DECLAM de l’an passé a été conservé et nous avons accueilli dix autres élèves qui n’avaient pas vécu l’expérience. Il y a toujours deux heures de travail interdisciplinaire avec quatre adultes (Une CPE et 3 enseignants). Ces deux heures sont prises sur les services en enseignement scientifique, lettres et histoire-géographie si bien que ce ne sont pas des heures en plus pour les élèves.

En pratique : Le premier objectif a été pour les anciens élèves d’intégrer et de faire passer les méthodes de travail aux nouveaux arrivants : recherches, prise de parole et travail à l’oral. Très rapidement également nous avons réalisé notre premier cercle d’étude.

Les objectifs : l’oral et la prise de parole au cœur des apprentissages de première. Les élèves sont en effet entrés dans le cycle terminal du lycée et les exigences de problématisation sont au centre des apprentissages dans toutes les disciplines. Un oral bien construit repose sur toute une gamme d’outils nécessaires à un questionnement, aux réponses que l’on peut y apporter et à l’interaction avec le public ou le jury. Ainsi cette année chaque séquence conduira les élèves à formuler et construire leur oral sur une problématique et restituer leurs réflexions sous différents formats : présentation à l’oral, poésie, dialogue avec une image, forme rhétorique… Nous allons également faire intervenir des personnes extérieures pour permettre aux élèves de découvrir, d’approfondir et travailler d’autres postures (compétences psycho-sociales par exemple).

Quelques exemples : le premier thème travaillé est celui de la place à partir de l’œuvre étudiée en français Juste la fin du monde (Jean-Luc Lagarce). Après un cercle d’étude autour de la place que peuvent avoir les élèves (en famille, entre amis, à l’école et dans la société plus tard) nous avons demandé qu’ils choisissent une question autour de la place qui les touche plus particulièrement et nous la présentent de manière problématisée à l’oral en 3 minutes. La forme est libre. Un second thème est prévu sur le portrait au travers de personnages historiques et contemporains (Olympe de Gouges est partagée entre Lettres et Histoire au programme). La question du genre sera également abordée cette année.

Le travail avec la recherche : il se poursuit dans l’élaboration d’un outil spécifique pour la mise en œuvre des cercles d’étude. Nous souhaitons cette année parvenir à formaliser cette démarche. Le degré supplémentaire de réflexion demandé aux élèves en première autorise le passage d’une expérience vécue des cercles par les élèves en seconde à une démarche volontaire et de construction des cercles de la part de tous les acteurs. C’est en articulation avec les chercheurs que nous souhaitons aller plus loin encore vers un collectif apprenant.

Essaimer donc ? Une année programmatique

Face à la demande institutionnelle telle qu’elle est la plupart du temps formulée, l’essaimage reviendrait à donner envie, donner la possibilité, à d’autres enseignants ou acteurs d’adopter une pratique nouvelle, un changement de posture. Mais en reprenant le postulat posé dans les premières lignes, essaimer se heurte à une inertie double, structurelle et conjoncturelle : les moyens matériels et horaires, le temps consacré au changement et le moment auquel il intervient. Les dimensions psychologiques du changement ne tiennent pas uniquement à l’envie ou à la démarche de formation tout au long de la carrière. Il y a aussi le déclic qui ne peut venir que du « dedans ».

C’est peut-être dans le rôle de l’équipe que se trouve une partie de la réponse. Ainsi l’essaimage se ferait d’abord au-dedans. Si nous avons choisi de poursuivre en première, ce n’est pas uniquement pour répondre à une demande des parents ou une envie de notre part. La question se posait depuis le début. En revanche l’idée de faire bénéficier du dispositif à de nouveaux élèves est le point de départ. Ce sont les anciens secondes DECLAM qui accueillent les nouveaux entrants. Nous leur fournissons un appui matériel mais ils se chargent de l’essaimage par des moyens qui sont à la fois explicites et implicites. Les anciens secondes clarifient auprès des nouveaux entrants nos attentes, le fonctionnement de manière explicite (les comportements, les manières d’aborder les séances de recherche en groupe…). En revanche dans les interactions avec les adultes ou bien entre eux il y a toute une gamme de micro-ajustements, de micro-postures (le ton, la liberté de parole ou la réserve, l’ambiance) qui font qu’au bout d’un mois maintenant nous constatons une grande fluidité dans ce domaine. D’un cadre imposé les nouveaux élèves sont passés à une expérience vécue au quotidien, comme une acculturation. Ce sont des ressentis qui nécessiteraient d’être observés et analysés.

De nouveau, le cercle d’étude est un outil central dans ce dispositif qui est le nôtre. On a pu le constater avec les premières. Sa forme permet à tous – même aux plus réservés – d’observer ces interactions et de les intégrer progressivement.

En parallèle de cette expérience en première nous allons approfondir le travail sur les cercles d’étude comme levier d’essaimage dans le reste de la communauté éducative. Nous poursuivons donc une dynamique de réseau plutôt qu’une dynamique de duplication.

• Le lien avec un collège et une école primaire sera renforcé par l’intégration de nouveaux enseignants autour des cercles d’études sur la découverte de la diversité des pratiques religieuses et de la laïcité.
• Nous allons former quelques collègues qui le souhaitent à la pratique du cercle d’étude et à une intégration de ce dernier dans leur enseignement pour traiter de “questions vives” ou de questions problématisées.
• Les parents restent impliqués dans des séances spécifiques proposées le soir, une fois par période, pour vivre ce que font leurs enfants et partager autour de l’école ou des sujets que nous abordons ensemble. A ce titre les parents d’élèves allophones qui viennent au lycée pour des cours de français devraient entrer dans le dispositif DECLAM par l’intermédiaire de la personne qui s’en occupe.
• Nous allons proposer à l’infirmière qui aborde de nombreuses questions vives comme le genre, la sexualité, les différentes préventions (conduites à risque etc.) d’utiliser l’outil “cercles d’étude” dans son quotidien au lycée.
• Différentes instances au lycée, encadrées ou non par des adultes, pourraient également bénéficier de cet outil (le CVL, le bureau nature…)

Si un modèle émergeait nous pourrions faire office (enseignants et chercheurs) de ressources pour la construction et la mise en œuvre de cercles d’étude. A charge ensuite pour ceux que cela intéresserait de se les approprier par la pratique.

Finalement notre objectif, serait que le cercle d’étude, adapté au milieu scolaire, à des besoins pédagogiques, redevienne un outil de construction sociale ce qu’il est à l’origine. Avec cet outil, tous apprennent les uns des autres, apprennent sur eux-mêmes et construisent un savoir commun et partagé autour d’une question. La problématique du changement d’échelle, de l’essaimage, se poserait alors autrement : il n’y a pas duplication et répétition au sein de l’institution scolaire mais plutôt un « décentrement » qui redonnerait sens à l’école.

L’équipe DECLAM : Anne Lamborot, Alexandre Demurger, Mahieu Gillot, Yves Leblanc ; Recherche : Andrés Merchan-Gonzalès

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