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Les digressions d’une réunion de travail : freins ou nécessité ?

Quand on organise du travail en groupe dans sa classe, on cherche à générer des conflits socio-cognitifs chez les élèves. Cette confrontation d’idées qui fait douter et déclenche l’envie d’apprendre, provoque aussi des conflits qu’on aimerait éviter, ceux entre les élèves qui ne veulent pas travailler ensemble.

On pense assez souvent que les deux sont liés. Les conflits relationnels perturbent et freinent l’émergence des conflits socio-cognitifs, il faut qu’il y ait une bonne entente entre les élèves pour qu’il y ait une bonne ambiance de travail. Bien souvent, on perd de vue que cette intuition première n’est en fait qu’une hypothèse. Dans le cadre de notre dernière année de recherche collaborative sur les conflits à l’œuvre dans un travail en groupe, nous avons souhaité investiguer cette hypothèse.

Il y a deux ans, nous avons ciblé notre recherche sur les conflits socio-cognitifs, en enregistrant le travail en groupe dans deux situations de classe et en réalisant des entretiens d’autoconfrontation avec des élèves. Les résultats des analyses révèlent que les élèves interrogés ont tous été traversés par un conflit socio-cognitif plus ou moins intense (publication disponible ici  : “Est-il nécessaire de douter pour apprendre ?”). Étonnant pour les collègues car dans l’un des groupes observés, il y avait un élève “perturbateur” à l’origine de tension dans son groupe.

Cette année, nous avons décidé de revenir sur ce groupe que nous avions observé, qui infirmait notre hypothèse de départ. Nous avons adopté une nouvelle focale d’analyse :  à quelles conditions les conflits relationnels n’interfèrent-ils pas avec les conflits socio-cognitifs ?  Nous avons réalisé de nouveaux entretiens d’auto-confrontation avec les élèves de ce groupe.

Ce mardi 23 mars au matin, l’équipe du LéA s’est donc réunie. Partant d’une première version d’un texte rédigé par le chercheur, nous avons étalé les retranscriptions des entretiens sur la table avant de partager nos analyses individuelles pour les mettre en commun. De nos regards croisés sur ces données, il se dégage un certain nombre de constats. Par exemple, il semblerait qu’un groupe puisse supporter un “gêneur” jusqu’à un certain point. La durée du temps de travail en groupe semble donc une variable importante. D’autres jalons opérationnels ressortent ; nous les expliciterons lors de la co-écriture de ce travail d’analyse avant de les partager en juin prochain.

Tiphaine évoque le risque d’enfermement identitaire des élèves dans leur statut scolaire : “Cet élève est clairement gêneur dans ce travail mais comment lui donner à voir qu’il ne l’est pas tout le temps ?” Alors que Bruno évoque le fonctionnement du sociogramme à Tiphaine, notamment son utilisation 2 ou 3 fois par an justement pour donner à voir des évolutions de statut,  Laurent digresse : “Au fait Bruno, j’ai vu un super film sur Fernand Deligny “Deligny, vagabond efficace”, sais-tu si Jean Oury a croisé Deligny ?”. Bruno fait donc un pas de côté pour documenter cette perspective historique. On s’arrête. Cette digression est-elle une pause dans le travail, une perturbation à notre avancée du jour ou un temps constitutif à notre travail ? C’est aussi ça la recherche collaborative… des détours qui clarifient et ouvrent des horizons.

Laurent Reynaud pour l’équipe du LéA Feyder sur les classes coopératives


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
REYNAUD Laurent (23 mars 2023). Les digressions d’une réunion de travail : freins ou nécessité ? LE BLOG DU RÉSEAU DES LéA-IFÉ. Consulté le 13 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tncl


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